« La Douleur » au Théâtre de Sartrouville

Le club des six au théâtre

Vendredi 19 janvier 2024, les six élèves de Terminale qui suivent la spécialité HLP, ainsi que deux élèves qui ont suivi la spécialité en Première, sont allées voir La Douleur, texte de Marguerite DURAS, dans une mise en scène de Patrice CHEREAU et Thierry THIEU NIANG.

 

Avril 1945 : les camps de concentration sont progressivement libérés. Pour autant, la guerre n’est pas finie. Marguerite Duras est en proie à une guerre intérieure, dans l’attente désespérée de son mari, Robert L, déporté.

Est-il vivant ? Sonnera-t-il à la porte ? 

Tant de bouleversements que Marguerite Duras confie dans un journal, afin de poser des mots sur sa Douleur.  L’espoir la tient en vie et l’entraîne à sa propre perte : la douleur semble être un gouffre dans lequel elle trouve du réconfort. Seul D., un ami, lui maintient la tête hors de l’eau, et la pousse à vivre.

Autour d’elle, son téléphone l’obsède, l’attente est insoutenable. De chez elle, au quai d’Orsay, elle participe à la résistance pour répertorier les survivants. Marqués par les séquelles de la guerre, ils sont dénués de toute vitalité, profondément traumatisés par l’inhumanité de certains hommes. Cette activité n’est qu’un moyen de se raccrocher à son espoir : sur le quai de la gare, les visages se confondent, chacun pourrait être cet homme, celui qui ne quitte jamais ses pensées, fruit de son attente acharnée. 

Cependant, s’il revenait un jour, serait-il capable de vivre à nouveau ? 

Ne serait-ce pas le commencement d’une nouvelle Douleur ?

Cette pièce montre donc, au sein de la guerre, les séquelles physiques et morales dont souffrent les victimes, directement ou indirectement. Elle met en lumière le danger d’un espoir frôlant la folie et le quotidien cauchemardesque d’une fin de guerre traumatisante. 

Dans le cadre de la spécialité HLP, cette œuvre se rapporte aux thèmes : « Les expressions de la sensibilité » et « Histoire et violence ».

Nous sommes plongés dans un cadre très minimaliste, la scène est épurée. L’arrière-plan de la scène est sombre, un puits de lumière suit l’actrice. Le décor est seulement constitué d’une table et d’une rangée de chaises. 

Par sa simplicité, la seule et unique actrice occupe l’espace, tout en attirant l’attention des spectateurs. En effet, la comédienne ne reste pas assise à la table, elle se déplace et met son manteau lorsque le texte place l’actrice à l’extérieur. De plus, elle mime les actions importantes des personnages. 

Dominique Blanc, l’actrice incarnant Marguerite Duras, exprime ses émotions et rapporte au discours direct les paroles des autres personnages.

Le texte est écrit dans un langage familier et parfois cru, qui peut surprendre, mais permet à l’actrice de captiver le spectateur tout le long de la pièce. Ces mots marquants permettent de retranscrire les sentiments, les pensées, les émotions, les aspirations de Marguerite Duras. 

Cela donne une réalité tranchante de la douleur vécue par cette femme. Un fort registre élégiaque parcourt la pièce mais elle reste animée par l’espoir et par ses convictions. Le jeu de l’actrice est rythmé par différentes intonations, ce qui rend poignante son histoire.

 

La salle était remplie, témoignant de l’intérêt suscité par la pièce. Lors de la représentation, le public était captivé par la prestance de la seule comédienne. Elle incarnait chaque personne, en orientant sa posture en fonction de ses déplacements sur scène. Les quelques passages comiques étaient appréciés du public qui riait, s’opposant à la dimension élégiaque de la pièce. 

Le succès de la pièce s’est vu lors du salut aux spectateurs : ces derniers ont montré leur enthousiasme par de longs et nombreux applaudissements et des « Bravo » faisant revenir la comédienne plusieurs fois sur scène, après la fin de la pièce !

 

INTERVIEW : Quel est l’avis du club des six ?

Léna : « J’ai trouvé la pièce poignante, captivante et intense. La fin de la pièce se terminant par la phrase « J’ai faim », symbolisait la fin de la Douleur, de la guerre, des cauchemars. Ce parallèle m’a plu. »

Lola : « J’ai bien aimé voir que l’espoir du personnage dans l’attente de son mari frôle la folie. Elle reste toujours fidèle et l’attend constamment. Elle est là. Elle l’attend. »

Jeanne : « Cette pièce était très émouvante parce qu’elle montre la force de l’amour qui ne s’arrête pas face à la cruauté de l’homme. »

Lallie : « La pièce retranscrit bien les douleurs des personnes pendant la seconde guerre mondiale. Cela représente bien cette période de l’histoire. Mais ce n’est pas qu’historique, elle nous plonge dans la réalité. Le récit n’était pas monotone, grâce aux différentes parties de la pièce. »

Célia : « J’ai trouvé la comédienne très charismatique dans sa manière de parler, dans sa posture et ses déplacements mais également dans ses regards. J’ai apprécié le mélange entre le comique et la dimension élégiaque de la pièce. Je ne l’ai pas trouvée trop longue et j’ai été surprise agréablement par la dernière phrase dite. »

Maïlys : « J’ai apprécié la pièce en général grâce à l’excellente comédienne. Le thème de la pièce m’a touchée et représente bien les douleurs éprouvées lors de la guerre, en dehors des champs de batailles, et pouvant être tout aussi fortes. Cependant, j’ai été déçue par la fin trop brève. »

 

 

BONUS : avis de M. Macé et de Mme Gaumin

M. Macé : « Deux aspects ont retenu mon attention. Premièrement, grâce au texte on a un nouveau regard sur la réalité des camps de concentration et les atrocités vécues par les déportés. On a le regard de ceux qui attendent et espèrent un retour de leurs proches. On suit la manière dont les déportés reviennent en France et ce qu’ils vont vivre quelques jours, mois, après leur retour, notamment à travers ce retour rocambolesque. Et puis, le deuxième aspect est l’écriture en elle-même, qui peut paraître plate et très descriptive. On pourrait s’attendre à des moments plus poignants et lyriques mais finalement elle arrive à captiver le public. »

 

Mme Gaumin : « Le jeu de Dominique Blanc est remarquable et sublime le texte de Duras. Les répétitions des mots, des expressions, des phrases, n’en sont pas : elles appuient la douleur ; elles montrent l’insoutenable de la situation ; elles signent la folie qui guette, dans une fin de guerre où plus rien n’a de sens. Sa lucidité est rude mais sa sensibilité infiniment touchante. Elle fait écho à l’humanité en chacun de nous. Et ce retour (in-)espéré de Robert L., rescapé des camps ; et toutes les précautions prises pour maintenir et faire grandir à nouveau la vie dans ce corps en suspens… Terreurs et angoisses rencontrent amour et fragilité dans cette œuvre bouleversante. »

 

Mis à jour le 11/03/2024
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