"Leviathan" au Théâtre de Sartrouville

« Leviathan » au Théâtre de Sartrouville

 

 

Afin d’interroger la vision que nous avions pu avoir lors de notre sortie au tribunal de Paris, nous (élèves de DGEMC) nous sommes rendus, le jeudi 28 novembre, au théâtre de Sartrouville afin d’assister à la pièce de théâtre « Léviathan ». Cette pièce de théâtre écrite par Guillaume Poix et mise en scène par Lorraine de Sagazan souligne le fonctionnement alarmant des comparutions immédiates. Cette pièce a été l’un des succès du Festival d’Avignon 2024. 

C’est face à une scène ensevelie de terre et recouverte d’une sorte de chapiteau de cirque que nous nous sommes retrouvés. Le choix de la terre s’explique peut-être par la volonté de comparer cette justice rapide à une véritable porcherie ? La metteuse en scène théâtralise une justice complètement robotisée comme l’illustrent les nombreux gestes mécanisés effectués par les magistrats. La justice est également montrée comme exténuée, complètement déphasée, comme lorsque la juge clame « Qui a envie de rester jusqu’à trois heures du matin ici ? ». 

De temps à autre, les comédiens se mettent à chanter, parfois au ralenti, mettant ainsi en lumière un effet grotesque et ridicule. La pièce insiste sur la durée très courte de chaque jugement, avec une moyenne de 20 minutes d’audience, pour que les juges n’aient pas à rester jusqu’à trois heures du matin… Ces derniers apparaissent comme des maitres de comédie, avec les masques qu’ils portent sur le visage, dissimulant ainsi leur émotion, leur part d’humanité. 

La pièce de théâtre nous dévoile quatre affaires que l’auteur a soigneusement choisies pour délivrer un constat : les comparutions immédiates révèlent le caractère d’une justice dépassée qui ne laisse aucun temps de préparation aux avocats, aux prévenus et aux magistrats. 

Les quatre affaires sont les suivantes : un homme roule en scooter au sein d’une résidence privée alors qu’il ne possède pas de permis, un sans domicile fixe insulte plusieurs personnes et menace de brûler un foyer après qu’on lui ait volé son téléphone dans celui-ci, une femme vole plusieurs biens dans un magasin afin de vêtir sa fille. Mais quel est le point commun dans toutes ces affaires ? Aucun de ces prévenus n’a causé du tort à qui que ce soit et la majorité d’entre eux sont des hommes peu insérés, des étrangers, ou des personnes avec une obligation de quitter le territoire français. Pendant la troisième affaire, un drôle de cheval fait son apparition et termine son passage sur scène en mangeant quelques pages du code pénal…

Concernant la quatrième et dernière affaire, un des comédiens, qui a été jugé en procédure de comparution immédiate nous a dévoilé son histoire, marquée par le silence. Un décompte était affiché sur la scène, qui s’est bloqué au bout de 16 minutes et 24 secondes. Ce temps correspond à la durée du procès du comédien. Ces longues minutes, pendant lesquelles le silence régnait dans la salle ont été des moments de remise en question pour tous les spectateurs. Un moment où l’on repense à la fatigue accumulée des prévenus, qui tiennent à peine debout après des heures de garde à vue, à la fatigue des magistrats, mais aussi à certaines lourdes peines infligées à des personnes qui ne sont plus du tout insérées dans la société et pour lesquelles la prison ne ferait qu’accroître le désespoir... 

Personne ne s’attendait à cette fin !

Diogo Aleixo

Mis à jour le 28/01/2025
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